Tribune
Publié le 6 janvier 2021
Hugues Sibille

Hugues Sibille

Président du Labo de l'ESS

2021, normal, anormal

L’exercice des vœux 2021 ne ressemble à rien de connu. Se souhaiter comme il est d’usage une bonne santé dans le contexte sanitaire à hauts risques est impensable. Faire des vœux de bonne année prospère est inconvenant dans une situation de lourdes montées des précarités.

La difficulté des vœux souligne le constat ressassé : nous nageons dans l’inconnu et l’incertitude. La situation est d’autant plus épuisante psychiquement que nous faisons de la brasse coulée souvent seuls, confinés, dressant des plans individuels sur la moins mauvaise façon de survivre au présent à la Covid  (télétravail, chômage partiel, recentrage familial, achats à distance, aide alimentaire, circuit court…). Mais où allons-nous  ?

Apparait un désir fort et partagé de «  retour à la normale  », de « revivre comme avant  »  ! C’est légitime. Un effort de discernement doit être fait. Dans normal, il y a norme. Le retour à la liberté d’aller et venir, à la vie collective et culturelle, à la socialisation fraternelle, nous y adhérons pleinement. Mais nous devons impérativement sortir d’un présentisme angoissant tourné vers l’avant Covid, pour résolument nous projeter dans l’avenir. L’avant-Covid était à hauts risques écologiques et sociaux, ne l’oublions pas. Le discernement doit donc trier les normes à garder et celles à changer à partir des leçons de la Covid et du patrimoine de l’ESS. En effet, nous, défenseurs de l’ESS, ne souhaitons pas le «  retour à un anormal  » écologique et social destructeur de la planète, profondément inégal, excluant des groupes de population de plus en plus importants.

Et puisque les autorités nous ont dit que nous étions en guerre, nous souhaitons de nouvelles normes pour «  l’après-guerre  » comme le demanda en son temps le Conseil National de la Résistance. Nous avons constaté que dans cette guerre anti-covid (sans armée et sans ennemi visible  !), c’est d’abord la société civile qui est au front et résiste souvent magnifiquement. Il faut donc préparer la paix et l’après, avec la société civile, dès maintenant. Ici intervient la mission de l’ESS pour proposer de nouvelles normes de préservation des ressources et de partage du pouvoir et des richesses.

En 2021, le Labo de l’ESS participera sous plusieurs formes à une dynamique de transformation pacifique, mais profonde, du modèle. La première est de co-construire un nouveau Récit mobilisateur, joyeux, utopique et réaliste, de ce que pourrait être une autre façon de faire économie et société, en respectant la planète, en faisant des personnes une finalité du développement et non de simples instruments en tant que producteurs ou consommateurs. La société civile est ébranlée par la Covid, mais elle ne voit pas de contreproposition. A nous de donner du sens.

C’est pourquoi le Labo de l’ESS lancera, à l’occasion du 10ème anniversaire des Etats Généraux de l’ESS, plusieurs Conférences régionales sur l’ESS et la Transition. C’est pourquoi le Labo participera activement à l’initiative d’ESS France pour une République de l’ESS qui pourrait être une belle contribution à ce nécessaire Récit du monde de demain, redonnant espérance et goût de bâtir. C’est pourquoi le Labo continuera à échanger avec d’autres tels que la Fabrique des transitions, les Journées de l’économie autrement (JEA), le mouvement des convivialistes, le Collectif pour une transition citoyenne… pour co-construire et partager un Récit commun.

Ensuite, en 2021, nous continuerons à identifier sur les territoires et dans les filières, les expérimentations en cours, les innovations mises à jour dans la résistance à la Covid, les écosystèmes pertinents… qui permettent de proposer de nouvelles normes de développement, utopiques et réalistes. Nous allons initier une étude-action avec les plus grandes villes de France sur le rôle de l’ESS dans la transition sur quelques problématiques précises. Nous poursuivrons nos travaux de filière sur l’alimentation durable et en ouvrirons un sur l’ESS dans les activités maritimes. Et naturellement, nous resterons actifs dans le champ des PTCE et celui du Plan européen en faveur de l’ESS.

Pour conduire ce va et vient incessant entre des actions concrètes et un récit de transformation écologique et sociale, nous voulons attirer davantage de bénévoles et d’ambassadeurs du Labo de l’ESS dans les territoires. À vos plumes  !

La Covid met nos vies sous contrainte. Certains des changements de comportement peuvent être positifs pour la planète et pour l’humanité. Mettons-les en perspective. Faisons-en des choix volontaires. On ne change pas la société par décret, si la société civile ne s’y engage pas. Alors pourquoi ne pas reprendre le mot d’Arthur Rimbaud pour 2021 : avec l’ESS, changer la vie  !

Carte de vœux 2021 du Labo de l'ESS

 

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