Son retrait est présenté en général comme la défaite d’une ligne Écologique face à une ligne Économique. En bref, les intérêts à court terme des marchés, des entreprises et des lobbyistes l’auraient emporté sur ceux à long terme du climat, de la santé, des citoyens. Bercy contre Saint Germain : 1/0 !
J’observe que cette opposition rappelle furieusement celle entre l’économie et le social. L’écologie, comme le social, serait d’abord une charge, une dépense et une contrainte pour le monde économique. Il s’agirait donc, encore et toujours, de laisser l’entreprise rentable créer librement de la richesse économique grâce à laquelle l’État peut « redistribuer » vers le social ou l’écologie, par définition non rentables. Nous, ESS ESS Le terme d’Économie sociale et solidaire regroupe un ensemble de structures qui reposent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants. Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement. , devons résister inlassablement à cette vision tout à fait ancien Monde ! L’écologie, comme le social, doit être considérée comme investissement productif et intégré au cœur des modèles économiques et d’emploi.
Plusieurs considérations en découlent.
Une première conduit à inciter vivement les entreprises ESS à devenir plus vite et plus fort des entreprises sociales ET écologiques, à rechercher des modèles économiques et des gouvernances démocratiques qui mettent l’Écologie au cœur de leurs projets d’entreprise. Les entreprises ESS, non cotées en bourse, non cessibles sur les marchés, sont des entreprises inscrites sur le long terme. Elles doivent montrer que l’opposition économie/ écologie est stérile. Je regrette pour ma part que ces entreprises aient été un peu frileuses après la COP 21 malgré les appels du Labo de l’ESS. Il faut accélérer. En mettant en place des indicateurs d’impact social ET écologique (exemple : Guide des bonnes pratiques). En introduisant ce sujet dans les gouvernances démocratiques (exemple : Comité spécialisé des CA). En s’intéressant de près aux start-up écologiques pour qu’elles rejoignent l’ESS (exemple : Start Up de territoires). Devenons économie sociale, solidaire et écologique (ESSE) !
Une seconde considération conduit à réaffirmer l’importance du territoire comme espace pertinent pour construire les accords-désaccords entre économie et écologie dans lesquels les citoyens puissent être pro-actifs. Ce fut une faiblesse de l’État (y compris de N.Hulot) de laisser tomber les PTCE PTCE Pôles territoriaux de coopération économique. (Pôles Territoriaux de coopération Coopération Acteurs qui ont des intérêts similaires qu’ils planifient ensemble, où ils négocient leurs rôles mutuels et partagent des ressources pour atteindre un objectif commun tout en maintenant leur identité économique). Le Labo de l’ESS lance cet automne un très ambitieux programme « Territoires pionniers » pour reprendre et amplifier les acquis des PTCE. Il faut au sein de démarches territoriales « ré-encastrer » économique, social et écologique. Le programme du Labo, piloté par Odile Kirchner, travaillera en même temps sur Territoires zéro chômeurs, Territoires à énergie positive, PTCE, Tiers-Lieux ou Start Up de territoires, et bien d’autres. Il introduira un fort volet sur la responsabilité territoriale de l’entreprise (RTE) précisément pour lier modèle économique et modèle écologique.
Une troisième considération, plus politique, tient à la relation État/ Société civile. La résolution des inévitables conflits d’intérêt entre économie et écologie nécessite que la société civile s’implique davantage pour faire pression sur l’Etat. Une forme de résistance citoyenne aux lobbies. Ceci est, de mon point de vue, une partie de l’explication de l’échec de Hulot qui n’a pas su encourager la montée en puissance de la société civile sur ses sujets et s’appuyer sur elle. J’invite l’ESS à se regrouper vite pour peser dans ces rapports de force. J’invite le prochain ministre à nouer des alliances plus dynamiques avec le monde de l’ESS. Enfin, si l’on veut sortir de la séparation écologie/économie/social, ne faudra-t-il pas ramener un jour ces sujets à Bercy ? Avec par exemple un « Secrétariat d’État aux entreprises sociales et écologiques » rattaché au Ministère de l’Economie ? Notre relative absence dans l’actuel projet de Loi Pacte Loi Pacte Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) vise à lever les obstacles à la croissance des entreprises, à toutes les étapes de leur développement : de leur création jusqu’à leur transmission, en passant par leur financement doit être médité. Nous sommes trop loin du cœur du pouvoir économique.
J’ajoute à ces trois considérations une conclusion que je dois à Patrick Viveret. L’opposition économie / écologie ne se résoudra pas « que » par la sphère politique. Le remplacement de tel ministre par tel autre ou de tel parti par tel autre ne résoudra pas totalement le problème. L’avenir de la planète est, pour la première fois depuis des millénaires, menacé par la faute de l’homme destructeur de son propre écosystème. Nous sortirons de cette menace, aussi, par une dynamique éthique, dépassant les rapports de force politiques et les solutions électorales. Il nous faut des Comités des Sages et des Sommets des Consciences. Il nous faut des défenseurs de l’humanité.
Que de grandes voix libres se fassent entendre avant les catastrophes annoncées, comme l’avaient été celles de Churchill ou De Gaulle avant 40.
Nous pourrions en avoir besoin demain.
Hugues Sibille
Président du Labo de l’ESS
Commentaires
1. Économie et écologie vont en bateau : écologie tombe à l’eau ?, 4 septembre 2018, 17:15, par JEAN GATEL
tres bon texte HUGUES§ il est grand temps que l’on replace l’ESS ESS Le terme d’Économie sociale et solidaire regroupe un ensemble de structures qui reposent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants. Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement. dans une perspective politique à savoir celle de changer un modèle de developpement mortifère pour la planète…...J’ai d’ailleurs écrit une conférence sur les liens ESS ECOLOGIE…….AMITIES
2. Économie et écologie vont en bateau : écologie tombe à l’eau ?, 4 septembre 2018, 19:50, par Philippe Laricq
Passer de l’ESS ESS Le terme d’Économie sociale et solidaire regroupe un ensemble de structures qui reposent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants. Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement. à l’ESSE, une tentative de récupération d’une sensibilité écologique dans l’air du temps depuis le Grenelle de l’environnement ?
Parier sur des territoires labellisés pionniers, sans s’interroger sur les motivations des territoires ayant le pied sur le frein ?
Une société civile s’impliquant davantage pour faire pression sur l’Etat, à l’exemple des chasseurs ?
Tout cela est un beau message, mais peut-être un peu trop hâtif.
Voici d’où vient ce doute. N’étant ni ministre, ni sociologue de l’énergie ou grand penseur de l’ESS, je me demande aujourd’hui combien de temps je vais persister dans un projet pourtant bien modeste : accompagner en SCOP SCOP Société coopérative et participative des entreprises ou des collectivités locales décidées à réduire leur consommation d’énergie.
C’est basique. C’est même économiquement rentable quand le gaspillage initial est considérable.
Mais la plupart des chefs d’entreprise s’en fichent parce que l’énergie leur est vendue à vil prix et que les ménages en précarité énergétique - qui payent plus cher leur énergie - peuvent recevoir des chèques-énergie.
Pourquoi si peu de démarches de management de l’énergie en France ? Et qu’en est-il dans le monde supposé vertueux de l’ESS ?
N’est-ce pas plutôt un vaste programme de formation à mettre en route, notamment dans le monde de l’ESS ?
3. Économie et écologie vont en bateau : écologie tombe à l’eau ?, 4 septembre 2018, 20:38, par Patrick CHEVALIER
Bonjour, je suis d’accord avec l’article d’Hugues Sibile et les 3 pistes pour surmonter l’impasse actuelle.
A propos de la 2ème piste : les territoires et l’implication des citoyen pour concilier écologie et économie je souhaite attirer votre attention sur l’’importance à accorder aux territoires des pays du sud, qui je le rappelle représentent la majorité de la population mondiale.
Je travaille depuis des années sur des territoires en Casamance et des projets vertueux alternatives aux pratiques d’exploitation des ressources (halieutiques, bois, zircon, etc) et de destruction de l’éco-système par des entreprises françaises et chinoises et alternatives aux projets des bailleurs visant à développer l’agriculture industrielle et a encourager l’exode rural.
Des centaines de millions d’humains sont concernés en Afrique.
Seriez-vous intéressés à faire figurer 2 territoires de quelques milliers d’habitants de Casamance parmi vos expérimentations ?
Il s’agit de la région de Niafrang-Kabadio-Abéné-Kafountine et des iles de l’estuaire de la Casamance.
Bien cordialement
Patrick CHEVALIER
Economiste / 06 80 84 95 95
1. Économie et écologie vont en bateau : écologie tombe à l’eau ?, 6 septembre 2018, 12:46, par LelaboESS
Bonjour,
Et merci pour votre commentaire. Une précision sur le projet "Territoires Pionniers" : il s’agit d’une étude menée sur des dynamiques de territoire en France... Votre suggestion de territoires ne peut donc malheureusement pas entrer dans le cadre de cette étude-ci.
Bien cordialement,
Le Labo de l’ESS ESS Le terme d’Économie sociale et solidaire regroupe un ensemble de structures qui reposent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants. Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement.
4. Économie et écologie vont en bateau : écologie tombe à l’eau ?, 5 septembre 2018, 15:49, par Mayer Sylvie
Bien d’accord avec votre réflexion, sur le lien écologie social et économie, et surtout sur la nécessite de créer et de s’appuyer sur un rapport de force avec la société civile pour pouvoir obtenir des avancées du gouvernement et de l’État.
J’informe les lecteurs de Cooper’actif de cet édito bien venu dans le numéro qui sort dans quelques jours
cordialement
Sylvie Mayer