Tribune
Publié le 23 mars 2015
Violaine Hacker

Violaine Hacker

Consultante en politique publique

L’ESS, un laboratoire pour agir par le Bien commun ?

Alors que les initiatives fleurissent pour inventer des manières créatives et solidaires de générer, gérer et partager des ressources, l’ESS représente souvent le secteur à priori le plus légitime pour promouvoir le Bien commun. Celui-ci, désigne une philosophie occidentale initiée par les Grecs et dont on retrouve des équivalents dans toutes les cultures.

Au-delà de l’intérêt général, cette philosophie permet de penser, comme pour l’« Ubuntu » en Afrique, l’en-commun : le « Je suis parce que nous sommes ». C’est donc manière de concevoir nos ressources fondée sur l’expérience humaine qui s’articule autour de trois volets : la gouvernance des communs : comment gérer les biens communs ensemble ; l’action par le Bien commun : un processus de délibération éthique permanent pour garantir l’effectivité réelle de l’accès à ces ressources ; la pensée pour le Bien commun : l’harmonie collective, la conciliation de l’épanouissement de la personne et de l’utilité sociale au sein de la communauté.

Comment l’ESS s’inscrit-elle dans ce processus ?

L’ESS redonne sa place à la personne dans le construit territorial

L’ESS considère la communauté politique comme un lieu d’épanouissement des citoyens et d’actions solidaires. En ce sens elle dépasse la notion de territoire national constitué dans le seul but d’éviter les injustices mutuelles ou de pratiquer l’échange marchand. Ainsi, les Hommes se voient réunis par un choix de vie commune. Le territoire naît progressivement de la vie et de la pratique sociale. Il fait sens.

L’ESS se détache également de la dérive économique réductrice ne voulant voir dans l’être humain qu’un homo economicus, un individu isolé purement rationnel, sans saveur culturelle, morale, sans contradictions. Agir par le Bien commun suppose de reconnaître la dimension relationnelle des Hommes, entre eux et avec leur environnement. Contrairement au libéralisme juridique qui cherche à protéger l’individu dans la société par le Droit (l’Homme étant un « loup pour l’Homme », Thomas Hobbes), la personne n’est pas isolée, mais située dans sa relation à la nature, avec les autres hommes, et d’autres sensibilités spirituelles.

La recherche de conciliation de la tradition de l’économie sociale avec l’innovation de l’économie solidaire propose une nouvelle approche. L’Homme n’est plus considéré comme un simple individu, mais plutôt comme une Personne, un être communautaire doué d’affect, de spiritualité et d’imagination. L’ESS peut constituer un laboratoire pour agir par le Bien commun si elle sort d’une approche essentiellement centrée sur les questions techniques ou de structures et intègre une vision plus phénoménologique et sociale (les expériences de chacun construisent une réalité multiple).

Un processus plus qu’une solution clés en main

La gouvernance des communs suppose de tenir compte de la diversité des territoires, des choix collectifs et des mécanismes de changement.

A titre d’exemple, dans un PTCE ou au sein d’une coopérative, les décisions se nourrissent des richesses apportées par des acteurs de divers horizons (entrepreneurs, politiques, salariés). Ce processus permet une autre conception du Bien commun.

Par ailleurs, la démarche collective formalisée dans la Charte sociale des PTCE construite par le Labo de l’ESS promeut le rôle de « laboratoire » de l’ESS. Elle propose ce que le Dr Elinor Ostrom appelait des « arènes de choix » fondés sur un pluralisme économique. Autour de cette charte, chacun trouve une place pour construire avec les autres autour des Biens Communs, par et pour le Bien commun.

Ainsi, ce qui importe dans la pensée du Bien commun c’est essentiellement le processus dans lequel il s’inscrit. Agir par le Bien commun ne représente surtout pas une injonction, une conduite à suivre ou une livraison de solutions reproductibles. Cela suppose également de permettre l’affirmation des capabilités : les capacités de l’Homme à évaluer les situations et les conduites à tenir.

Il s’agit en résumé d’adopter une logique de construction dynamique où chacun apporte son expérience personnelle plutôt que de fixer de façon statique des interdits (violation des droits fondamentaux) et des possibilités (égalité des chances dans la diversité des talents). La morale commande, et l’éthique recommande !

Agir par le Bien commun suppose ainsi de repenser notre en-commun (les processus induits, l’intersubjectivité des acteurs, notre volonté de renforcer les capabilités de chacun, notre confiance en l’autre, …) comme fondement pour l’ESS.

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