Une étude menée par le MIT et par Capgemini auprès de 500 grandes entreprises mondiales croise des questions sur l’utilisation qu’elles font des technologies d’information et des questions sur la transformation de leur modèle d’affaire et d’organisation. Il en ressort que les entreprises qui font un usage intensif du numérique sans remettre en cause leur modèle parviennent à faire croître leur chiffre d’affaires mais elles deviennent plus complexes et moins rentables. Seules celles qui complètent leur investissement technologique par un programme de "digital disruption" gagnent en rentabilité : en moyenne, leur résultat bondit de 26%.
La transformation ne s’arrête pas là : c’est la notion même d’entreprise qui se déforme et se diversifie. Plusieurs personnes se regroupent et partagent leurs compétences et leurs rêves : c’est une start-up. Des personnes contribuent gratuitement à des plateformes d’intelligence collective comme Wikipedia, Mozilla ou OpenStreetMap : ce sont des fondations portées par une logique de bien commun. Des dirigeants ajoutent des objectifs sociétaux dans l’objet même de l’entreprise, à côté de la maximisation du profit : ce sont des "B Corps", des "Benefit Corporations" selon le nouveau statut juridique américain. A chaque fois, le fait que ces entreprises d’un genre nouveau ne s’ancrent pas dans la seule finalité abstraite du profit leur donne des atouts pour mieux se saisir des mutations que le numérique permet dans les vies quotidiennes et pour entrer en résonance avec les nouveaux liens qui se tissent entre les personnes.
Ces différentes formules entrepreneuriales ne sont pourtant pas les mêmes. Leur histoire et leur idéologie ne se confondent pas : les unes sont les enfants d’un certain enthousiasme cyber-informationnel ; d’autres sont issues de la tradition américaine libertarienne et anti-étatiste ; d’autres encore relèvent d’une tradition humaniste voire d’un engagement solidariste et écologique. Mais, dans le grand bouleversement du numérique, il s’agit toujours d’acteurs qui courent vite et qui captent bien la nouvelle grammaire qui s’institue entre technologie, économie et société.
L’économie sociale et solidaire qui est en France au cœur de ces évolutions, doit cristalliser la portée profondément moderne de ce mouvement pour que le numérique s’affirme comme un levier de transformation économique et sociale. Il y a déjà cinq ans, le Forum d’Action Modernités avait organisé une journée de rencontre entre start-ups du numérique et entreprises de l’économie sociale et solidaire : cela n’avait jamais été fait et l’on a tout de suite vu que les uns et les autres avaient beaucoup à se dire. Et l’on était pourtant avant la montée en puissance des FabLabs, de l’open hardware et de l’économie du partage ! Peut-on aujourd’hui aller plus loin et imaginer comment la transformation numérique pourrait se traduire par un bond en avant décisif de l’économie sociale et solidaire ?
Philippe Lemoine
Président du Forum d’Action Modernités
Commentaires
1. Re : La transformation numérique permettra-t-elle un bond en avant de l’ESS ?, 19 novembre 2014, 16:40, par Sam
Bonjour,
Merci, Merci, Merci ! :-)
C’est agréable de voir des personnes pousser à la modernisation de l’ESS ESS Le terme d’Économie sociale et solidaire regroupe un ensemble de structures qui reposent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants. Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement. en terme de démocratie numérique. Je pense notamment aux mutualistes, si éloignés des jeunes et à leur difficulté à rajeunir leurs instances. Leur modèle juridique est profondément moderne. On pourrait l’inventer aujourd’hui pour satisfaire à l’envie de transversalité, d’horizontalité et de participation. Pourquoi ne surfent-ils pas plus sur le numérique pour doper leur modèle économique ET démocratique ? Pourquoi ne pas tacler cette verticalité mortifère.
Aujourd’hui, quasi aucune structure de l’économie collaborative ne semble avoir choisi des statuts d’association Association Une association est le regroupement d’au moins deux personnes, mettant leurs activités ou leurs connaissances en commun, par un contrat d’association (contrat de droit privé). L’objectif de cette convention doit avoir un but autre que le partage de bénéfices entre les parties, d’où l’appellation d’"association à but non lucratif". , de coop ou de mutuelles... pourquoi ???
Sam