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Publié le 16 décembre 2015
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Les collectivités locales acteurs majeurs pour le développement de l’ESS

Réforme territoriale et décentralisation, politique européenne, loi ESS, … les collectivités sont de plus en plus impliquées dans le développement de l’ESS. C’est donc au niveau local que se joue aujourd’hui la création d’un écosystème favorable à son essor au niveau national. L’engagement et l’empowerment citoyen en dépendent.

À tous les échelons locaux (régional, départemental ou communal) il existe des leviers permettant aux collectivités de soutenir l’ESS. Les départements ont perdu certains pouvoirs dans l’attribution d’aides aux structures d’ESS avec les dernières réformes de la loi NOTRe bien qu’ils gardent les compétences de l’action sociale (lire point de vue de Laurent Troglic). Les régions ont gagné, dans des proportions variables, la gestion de fonds européens (FEDER, FSE : voir le dossier de l’Avise) et sont tenues de mettre en place une politique ESS dans leurs schémas de développement économique. Enfin, les communes ou intercommunalités peuvent jouer un rôle de chef de file et d’animateurs de la politique ESS sur leur territoire (voir exemples sur le site de l’Avise).

Ces changements impactent toutefois les acteurs de l’ESS, notamment les associations qui doivent parfois revoir leur organisation (voir dossier du Mouvement associatif), leurs interlocuteurs ou leurs modes de financement. La réorganisation favorable aux régions, dont la compétence est principalement économique, fait aussi craindre aux acteurs associatifs d’avoir à justifier de leur efficacité économique pour obtenir des fonds alors que leur objectif est principalement social.

Avec une nouvelle organisation territoriale, les acteurs de l’ESS et les collectivités doivent apprendre de nouvelles manières d’agir ensemble.

Soutenir l’ESS c’est assurer la pérennité de son territoire

Certaines collectivités ont parfaitement compris l’importance de favoriser le développement des initiatives sociales et solidaires. Ce faisant, elles soutiennent la création d’emplois et d’entreprises non-délocalisables, répondent aux besoins des habitants et améliorent l’attractivité locale ainsi que la cohésion sociale et territoriale, enfin elles favorisent les formes d’innovations sociales dont l’ESS a le secret. L’urgence est là : chômage de longue durée, délocalisation, désimplication citoyenne … l’ESS apporte des réponses efficaces à ces maux.

Les entreprises sociales renforcent l’offre locale en répondant aux besoins sociaux non-couverts des populations. Elles développent des circuits-courts qui améliorent le niveau de vie des habitants et permettent le développement de producteurs locaux. La présence par exemple de services de garde d’enfants, d’associations culturelles, d’associations sportives, est un élément essentiel pour l’image et l’attractivité d’un territoire. Les coopératives apportent une stabilité à l’emploi et garantissent que les fonds investis (par des investisseurs privés ou publics comme la Région) ne fuient pas totalement vers d’autres bourses. Ce qui conforte par ailleurs, la légitimité d’un financement local, par la collectivité, de ces activités.

Les collectivités peuvent recourir à plusieurs dispositifs. Le RTES (Réseau des collectivités Territoriales pour une Economie Solidaire) qui réunit 125 collectivités, régions, départements, intercommunalités et communes impliquées dans l’ESS, les a listées dans un guide de bonnes pratiques pour un soutien durable aux initiatives solidaires. (voir leurs guides « Points de repères »).

Pour construire une politique publique en faveur de l’ESS elles peuvent définir dans leur schéma de développement des actions plus ou moins ambitieuses. En premier lieu connaître et faire connaître leurs acteurs (rencontres, diagnostic territorial, évènements, communication). Mais elles peuvent aussi faire le choix d’accompagner leur structuration par un soutien financier, la formation, la commande publique responsable, la création de lieux d’incubation, le soutien aux structures d’accompagnement des acteurs de l’ESS ou encore l’implication directe de la collectivité dans des entreprises sociales.

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Financement de court terme ou investissement pour l’avenir

Financer les acteurs reste un levier décisif. Les collectivités ont aujourd’hui le choix entre la subvention (aides directes aux structures, appels à projets) ou la commande publique (marchés publics, contrats de partenariats, délégation du service public aux entreprises).

La subvention est l’un des moyens les plus sûrs pour l’initiative d’économie sociale et solidaire de bénéficier de financements pérennes et récurrents. La collectivité choisit ici de financer directement un projet solidaire. Elle bénéficie depuis la parution de la Loi ESS d’un cadre légal qui lui rend sa légitimité (elle n’était définie que par jurisprudence) et lui permet d’être reconnue comme un mode de financement à part entière. Une circulaire encourage également les conventions pluriannuelles pour sécuriser les financements des acteurs sur le long terme.

L’appel à projets est une modalité de soutien de plus en plus fréquemment utilisée par les collectivités. Elles l’utilisent pour répondre à des besoins très spécifiques comme un besoin de places supplémentaires en crèches. Un acteur de l’ESS pourra proposer une offre de services éthique et solidaire. Mais ce mode de financement peut fragiliser la relation de la collectivité avec ses acteurs s’il est systématiquement employé et il met en concurrence les acteurs de l’ESS, entre eux et avec les acteurs du privé lucratif. De plus, c’est pour la collectivité une relation de court terme avec les acteurs économiques. Trop encadré, il peut aussi brider la créativité et l’innovation des acteurs de l’ESS qui doivent se conformer à un cahier des charges très stricte. En effet, l’innovation sociale se fabrique par expérimentation et tâtonnements.

La commande publique enfin, quand la collectivité fait des achats par exemple, permet aux acteurs de l’ESS d’envisager leur développement économique ; bien que la concurrence des grandes entreprises soit forte sur le marché. Mais les collectivités peuvent favoriser les entreprises sociales grâce à des clauses d’achats socialement responsables (clauses sociales et environnementales). La loi ESS rend par ailleurs obligatoire pour certaines collectivités (au-delà de 100 millions d’euros d’achats), l’élaboration d’un schéma de promotion des achats responsables.

Pour une politique locale en faveur de l’ESS, les collectivités peuvent aussi s’appuyer sur les aides du droit commun fléchées prioritairement vers les acteurs de l’ESS, favoriser le financement de l’innovation sociale (voir guide de l’Avise) telle que définie par la loi, ou encore utiliser l’utilité sociale (guide Avise et ARF) comme un outil de pilotage central qui pourra légitimer et guider ses investissements.

La coopération et la co-construction plutôt que la concurrence sur le territoire

Les travaux du Labo de l’ESS et de ses partenaires ont permis aux collectivités de bénéficier d’un nouveau cadre légal pour la coopération sur le territoire et le foisonnement d’initiatives locales et solidaires : les PTCE. Les Pôles Territoriaux de Coopération Economique (plus d’une centaine en France) permettent notamment aux acteurs des territoires (entreprises classiques, entreprises sociales, financeurs ou universités, etc.) de se retrouver dans une structure commune, de mutualiser des projets et des ressources pour recréer ou développer des filières d’avenir et de l’emploi en France. Les collectivités ont un rôle important à jouer dans la pérennisation et le développement de ces pôles, desquels elles peuvent être partie-prenantes.

Les collectivités peuvent aussi, depuis la promulgation de la Loi ESS, prendre jusqu’à 50% de parts dans des entreprises à statut SCIC pour participer directement à la création d’activité et s’assurer de leur pérennité sur le territoire.

Mais si la coopération est cruciale, il est également aujourd’hui nécessaire de penser la transversalité aux différents échelons de la vie locale (municipalité, intercommunalité, département, région) pour que les élus et techniciens aient une vision partagée de l’ESS. La désignation d’un correspondant ESS « ambassadeur » dans chaque service qui fait remonter l’information peut s’avérer décisive pour la réussite de projets. Souvent rattachée au volet économique car créatrice d’emplois, l’ESS relève en réalité de tous les services de la collectivité.

Co-construire sur le territoire devient aujourd’hui essentiel tant les enjeux en termes d’implication citoyenne et de développement économique sont graves. Impliqués et responsabilisés, les citoyens gagnent un « pouvoir d’agir » et s’impliquent dans la vie locale. L’ « empowerment » citoyen est devenu aujourd’hui non-seulement souhaitable mais indispensable à l’aune de la nouvelle économie qui bouleverse tous les secteurs et les emplois.

La transition énergétique citoyenne en est l’une des manifestations les plus évidentes. Des réseaux comme Energy Cities outillent les autorités locales pour qu’elles puissent agir de concert avec les citoyens pour redéfinir leur politique énergétique.

Sur des territoires comme Loos en Gohelle, les dispositifs exemplaires et enthousiasmants peuvent servir d’exemple. Avec un fonctionnement systématique de concertation citoyenne (réunions, débats autour de projets et décisions), la ville est devenue une grande agora. Sa politique « fifty-fifty » (le citoyen propose et porte un projet, la collectivité aide en partie à sa concrétisation ou vice et versa) permet d’investir les citoyens autant que la collectivité dans des projets. Les citoyens deviennent ainsi porteurs de projets. Lille métropole ou la région Rhône-Alpes (voir le très bon site Rhônes-Alpes solidaires) proposent également des démarches dynamiques auxquelles se référer ici.

L’ESS est un dynamiseur d’activités d’intérêt général sur les territoires. Les structures de l’ESS portent par essence l’implication des citoyens et de la collectivité autour de leur projet. Développer l’ESS sur les territoires c’est développer un tissu économique, social, citoyen d’avenir et durable. Pour chaque collectivité, c’est maintenant une question de choix politique.

 

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    Patricia Andriot

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    Ancienne Vice-présidente de la région Champagne-Ardenne en charge de l’ESS

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