Tribune
Publié le 8 mars 2018
Mathias Chaplain

Mathias Chaplain

Coordinateur des campagnes à Agir pour l’environnement

Bio dans les cantines : pourquoi faut-il une loi ?

Comment expliquer qu’au pays de la haute gastronomie, nous mangions si mal dans les cantines scolaires, les hôpitaux, les maisons de retraite ou encore les restaurants universitaires ? Alors que le bio est largement plébiscité par les Français·e·s, comment expliquer que moins de 4% de produits bio soient utilisés dans la restauration collective ?

Pourtant l’introduction de produits issus de l’agriculture biologique et locale dans la restauration collective constitue un enjeu important. Cela concerne tout à la fois notre santé, notre environnement et notre modèle agricole. En effet, les 65 000 tonnes de phytosanitaires épandus chaque année en France posent un problème de santé publique majeur et leur impact environnemental est catastrophique : l’eau, les sols, l’air et donc notre alimentation sont largement contaminés. C’est également une question de justice sociale : pour de nombreux enfants d’origine modeste, le repas à la cantine serait le seul moyen d’accéder à un repas sain et équilibré.

La restauration collective représente 3 milliards de repas par an en France pour 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ce gigantesque marché peut constituer une formidable opportunité pour créer des filières d’approvisionnement en circuit court, permettant ainsi de maintenir ou de créer des emplois en zone rurale tout en garantissant une juste rémunération pour des paysans pratiquant une agriculture respectueuse de l’environnement.

Faut-il un cadre législatif pour favoriser le bio dans les cantines ?

A ce jour les produits issus de l’agriculture biologique représentent moins de 4% des produits consommés en restauration collective, bien loin des objectifs fixés par le Grenelle de l’Environnement en 2008. Malheureusement, les produits bio souffrent d’un désintérêt de la part des élus locaux pour de mauvaises raisons : trop chers, trop compliqués, trop contraignants ...

Or, plusieurs centaines de communes ont fait la démonstration depuis longtemps qu’il est possible de s’approvisionner en produits bio et locaux et souvent même sans augmenter le prix des repas. A chaque fois c’est la volonté politique et la ténacité des élus qui a fait la différence et qui a permis de construire des filières d’approvisionnement de proximité.

Mais compter sur la seule démarche volontaire de quelques élus locaux ne peut pas suffire pour changer de modèle. Seul un cadre réglementaire et juridique précis pourra faire évoluer rapidement les pratiques.

C’est pourquoi depuis 2015, notre association a mené plusieurs campagnes de mobilisation citoyenne. Notre campagne nationale en direction des parlementaires afin d’obtenir le vote d’une loi avec des objectifs précis en matière d’approvisionnement : 40% de produits locaux dont minimum 20% de produits bio a rassemblé plus de 200 000 citoyens. Malheureusement, cette disposition qui suite à une forte mobilisation avait été votée très largement à l’Assemblée nationale et soutenue par le ministre de l’Agriculture, a été rejetée en janvier 2017 pour vice de forme par le Conseil Constitutionnel.
Ne nous résignant pas, quelques semaines plus tard, nous avons interpellé les candidats à l’élection présidentielle avec un collectif d’associations.

En parallèle, ne souhaitant pas être suspendus à l’hypothétique vote d’une loi, nous avons lancé en partenariat avec la Fédération de parents d’élèves (FCPE) et la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB), une campagne ciblant les élus locaux qui sont in fine les décisionnaires pour une part importante de la restauration collective : www.macantine.bio.

Lors de sa campagne électorale, Emmanuel Macron reprenait l’idée à sa façon : introduire 50% de produits biologiques ou sous mention ou signe de qualité ou issus de circuits courts dans la restauration collective. Suite aux Etats généraux de l’alimentation, cette mesure a été reprise dans le projet de loi " pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable" qui sera débattu dans les semaines qui viennent à l’Assemblée nationale. Dans ce texte, nous déplorons la confusion entretenue entre les différents labels, mentions et signes de qualité. Car à ce jour seul le label Agriculture biologique garantit des produits sans résidus de pesticides, sans OGM, sans antibiotiques et le respect du bien-être animal. L’aspect local ou une appellation d’origine par exemple ne garantit à elle seule en rien la qualité d’un produit.

C’est pourquoi nous continuerons notre campagne dans les semaines prochaines pour qu’un seuil minimal de produits bio et locaux apparaisse dans la loi et qu’un dispositif d’accompagnement des collectivités par l’Etat soit inclus.

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