Tribune
Publié le 1 septembre 2021
Hugues Sibille - Copyright Kathleen Rengnet

Hugues Sibille

Président du Labo de l'ESS

Cherchez l'erreur, corrigez-la !

Le contraste est saisissant. La planète brûle, les deux tiers des humains ne sont pas vaccinés contre la covid et pourtant, les marchés financiers paraissent au beau fixe.

180 000 incendies au mois d’août : record battu ! « Mégafeux » incontrôlables (8 millions d’hectares de forêt disparus en Sibérie), régions détruites, biodiversité massacrée. Le 9 août, le rapport du GIEC démontre de manière indubitable que ce sont les activités humaines qui dérèglent le climat. Tous les signaux climatiques sont au rouge.

Quant au front sanitaire incertain, la Covid circule, mais les pays pauvres n’accèdent pas au vaccin (2 % seulement des 1,3 milliards d’africains sont vaccinés). L’épidémie révèle et accroît les inégalités, là-bas comme ici.

Ce même mois d’août 2021, nous apprenons qu’il n’y a « aucun nuage à l’horizon pour les marchés ». Les signaux leur semblent au vert. Le CAC 40 s’établit à 6 600 points, dopé par les résultats exceptionnels du premier semestre des 40 premières entreprises, avec un record de bénéfices de 58 milliards contre 44 milliards en 2020. Les salaires des patrons du CAC s’envolent à 5,3 Me/an. Cherchez l’erreur de perception.

Ce contraste « de rentrée » constitue une forme de diagnostic. Celui d’un modèle de croissance et d’organisations économiques dont les indicateurs sont hors sol climatique et social, en un sens mortifères. La planète meurt d’excès d’activités humaines, sur-produites et sur-consommées, souvent inutiles, et les hommes meurent d’inégalités. L’Hubris1mène le monde à sa perte. Soyons lucides, nous y participons tous, avons du mal à regarder la vérité en face. Le rôle des leaders est de la dire.

 

Pour nous, tenants de l’ESS, ce diagnostic sévère ne doit pas conduire à une collapsologie radicale, mais à la proposition d’une autre économie de transition radicale. Nous entendons refuser le pessimisme inactif de la désespérance, soutenir les initiatives locales de transformation positive du modèle et agir pour que ces initiatives dispersées forment peu à peu système.

Au Labo, si nous sommes convaincus que l’ESS est une alternative au seul moteur du profit et aux gouvernances actionnariales qui ignorent les autres parties prenantes, nous savons que la gravité du diagnostic doit aussi nous conduire à revoir nos logiciels et à nous remettre en cause, notamment dans notre rapport aux menaces écologiques et dans nos modes de fonctionnement. Nous le ferons lors de prochaines Journées régionales des transitions cet automne et lors des Journées de l’économie autrement (JEA) fin novembre, dont nous sommes partenaires.

L’ESS doit débattre de son rapport à la croissance/ décroissance, à la sobriété, aux impacts écologiques de ses activités. Les débats de la République de l’ESS ont vocation à inclure ces dimensions. L’Economie sociale a longtemps été une économie du juste prix et de moralisation des marchés. Elle doit maintenant inclure des objectifs d’utilité écologique et sociale de ses produits et services. Le Labo entend y contribuer à travers un passionnant travail qu’il conduit avec 6 grandes villes françaises sur le rôle de l’ESS dans les activités low-tech (Paris, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Lille, Poitiers…). Une mine de solutions et d’idées concrètes pour sortir de l’Hubris urbaine ! De même, si nous sommes convaincus depuis la création du Think tank que les territoires sont les laboratoires de la transition, si nous sommes actifs pour une relance des PTCE orientés vers la coopération d’acteurs de transformation du territoire, nous devons amplifier nos réflexions sur les approches de transition de filières. Nous publierons prochainement un utile travail sur l’ESS dans les activités de la mer, où les menaces écologiques font froid dans le dos.

Les mots clefs de cette rentrée parlent tous de menaces sanitaires et environnementales, mais aussi de menaces démocratiques. Ces menaces impliquent davantage d’ESS, davantage de régulation publique, davantage d’alliances comme le propose le Pacte du Pouvoir de vivre auquel nous adhérons.

N’y a-t-il pas aussi matière à reformuler un projet d’éducation populaire, afin que les principes de précaution et de civisme sanitaire (cf.carte des vaccins) et environnemental (cf. carte des passoires thermiques), mais aussi la capacité de résistance aux fake news ne soit pas seulement l’apanage de couches sociologiques favorisées ?

Hugues Sibille,

Président du Labo de l'ESS

 

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