
Fatima Bellaredj et Bastien Sibille : « Pour le Labo de l’ESS, la passion des idées et du collectif ! »
Après 10 ans d’engagement, Hugues Sibille, ancien délégué interministériel à l'innovation et à l'ESS et nouveau président d'honneur du Labo de l'ESS, a souhaité céder la présidence. Fatima Bellaredj et Bastien Sibille, présidente et vice-président du Labo de l’ESS depuis le mois de juin 2025, partagent leur vision et leurs ambitions pour ce think-tank de l’économie sociale et solidaire !
Communiqué de presse : Le Labo de l'ESS annonce l'élection de Fatima Bellaredj à sa présidence
Comment avez-vous découvert l’ESS, et pourquoi avez-vous voulu dédier vos carrières à ce secteur ?
Fatima Bellaredj :
J’ai commencé dans l’ESS sans le savoir, en faisant de l'appui aux devoirs dans le cadre d'une association qui était la FEV. Puis, j’ai été recrutée par une SCOP, où j’ai eu un coup de cœur ! Je suis économiste de formation et je n'avais jamais entendu parler d'économie sociale et solidaire, ni de SCOP. J’ai adoré découvrir un univers où les valeurs de l'économie sociale sont pleines et entières. Aujourd’hui, ça me serait très difficile de quitter le monde de l'économie sociale et solidaire. Il y a un vrai engagement qui s'est construit petit à petit chez moi, en apprenant ce qu'était une gouvernance coopérative. J'en ai fait quelque chose de très important dans ma vie professionnelle et personnelle, et ce à partir de la pratique !
Bastien Sibille :
J’ai entendu parler de l'ESS depuis mon plus jeune âge mais suis entré dans l'ESS par une voie particulière, celle des modèles économiques et de gouvernance des logiciels libres. C'est quelque chose que je rappelle assez régulièrement : la question des biens communs est revenue en France par la question de la liberté logicielle. Ayant cette culture familiale autour de l'ESS, j'ai tout de suite vu les passerelles entre les deux mondes. J'ai fait au Canada un doctorat en sciences politiques sur l’informatique gouvernementale et j'ai étudié les communautés de libristes (NDLR : les défenseurs de la culture libre), leurs gouvernances, leurs modèles économiques. Cela m’a conduit à créer et présider la coopérative Mobicoop, grosse plateforme numérique de partage de la mobilité.
Qu’est-ce qui vous a motivé·e·s à rejoindre le conseil exécutif du Labo de l’ESS ?
Fatima Bellaredj :
Dans ma carrière, je m'étais intéressée aux questions d'innovation sociale, et c’est ainsi que j’ai rencontré Hugues Sibille qui a été président du Labo de l’ESS pendant 10 ans. J'ai toujours eu un intérêt pour les publications sur l’économie sociale et solidaire pour mieux en comprendre les ressorts, et avec un attachement particulier à l'innovation sociale que j'ai mis en pratique. Quand j'ai été recrutée par la CG Scop en 2018, Hugues m'a appelé pour me proposer de rejoindre le conseil exécutif du Labo de l’ESS. A mes yeux, les think-tanks apportent la réflexion dont on a besoin quand on est sur le terrain, cela permet de prendre du recul, de pouvoir échanger avec d'autres. C'est ce qui permet le débat d'idées, qui est essentiel à la vie à la vie démocratique en tant que citoyen, ainsi qu’au pluralisme, y compris dans l'ESS.
Bastien Sibille :
Pour ma part, cette participation au conseil exécutif a été assez naturelle. J'ai toujours défendu le lien entre la pensée et l'action. J’ai, depuis mes 15 ans, une seule et même photo dans mon portefeuille : celle d'Hannah Arendt qui a si fort défendu ce lien entre la pensée et l'action.
C’est pourquoi j’ai lancé la masterclass Autonomia au Québec après mon doctorat, pour poursuivre cet exercice de lier la pensée avec des actions. En poursuivant Autonomia au sein du Labo, j'ai proposé de contribuer à l’association de façon un peu plus dense. Je suis très heureux d'avoir rejoint le conseil, et qu'Autonomia ait connu un certain succès au sein du Labo.
Pour quelles raisons avez-vous décidé de faire équipe en 2025 et au-delà ?
Fatima Bellaredj :
Avec Bastien, on a appris à se connaître avec la coopération, puisqu'il a été d'abord dirigeant de SCIC. On a eu l'occasion d'échanger sur les problématiques d'entreprises coopératives, et notamment sur le financement de l'innovation. On se voit aussi beaucoup à Coop.fr où Bastien est secrétaire général.
Ce que j’aime bien chez Bastien, c'est qu'il a un peu cette double entrée, à la fois d'entrepreneur et à la fois de quasi-chercheur, parce qu'il a fait beaucoup de travaux. C'est ce qu'on retrouve autour de la masterclass Autonomia, cet aller-retour sur à la fois la théorie et la pratique. Je trouve que c'est extrêmement enrichissant.
Quand on a commencé à réfléchir au sein du conseil exécutif il y a deux ans à la passation de la présidence de manière très collective sous l'impulsion de Hugues, je savais, par attachement au Labo, que c'était important d'essayer de poursuivre ce qu'avaient fait Claude Alphandéry et Hugues. Ce qui me paraissait tout aussi important, c'était de voir quelle dynamique collective on pouvait amplifier avec les compétences multiples qui sont déjà au conseil exécutif. On savait que Christian Sautter voulait aussi quitter ses fonctions, et Bastien remplissait toutes les cases pour la vice-présidence. Le cheminement s'est fait assez naturellement.
Diriez-vous que vos profils sont complémentaires ?
Fatima Bellaredj :
Ils sont complémentaires, et ils s'inscrivent dans la même vision. On a une ambition commune marquée par l'ouverture et la manière dont on pourrait construire des alliances avec d'autres think-tanks, tout en maintenant l'importance de poursuivre le travail de fond, notamment pour alimenter les réflexions, les débats d'idées, et notamment la manière dont les acteurs de l'ESS et au-delà pourraient se saisir de nos travaux. Un super boulot a été fait pendant 15 ans : il y a une vraie reconnaissance, une vraie notoriété du Labo auprès des acteurs de l'ESS. Ce serait super de faire en sorte que ces travaux soient encore mieux appropriés par les acteurs de l'ESS et mieux connus du grand public.
Et dans cette vision commune, ce qui est vraiment intéressant, c'est de voir comment nous y arriverons ensemble. Nous serons ultra complémentaires parce que le Labo, c'est la croisée des chercheurs et des acteurs de l'ESS, et notamment de ce qu'on peut mettre en avant pour alimenter le débat d'idées.
Bastien Sibille :
Tout à fait. Fatima a l'immense qualité de pouvoir emmener la dimension institutionnelle du Labo, et elle voit d’un œil positif le fait que je puisse mettre un certain nombre d'habiletés personnelles sur le plan de ce qu'on appelle « la vie intellectuelle ». Au moment où il a fallu penser à la suite de Hugues, on s'est dit qu'il y aurait là un tandem fonctionnel.
Avez-vous prévu des premières actions pour le Labo de l’ESS ?
Fatima Bellaredj :
La première action, elle est déjà mise en œuvre ! À l'assemblée générale le 5 juin, nous avons réuni l'ensemble des think tanks progressistes lors d’une table ronde, dans l’ambition d’installer le Labo dans un débat d’idées relativement large.
Avec Camille (NDLR : Camille Dorival, directrice de la rédaction de Carenews, a été élue trésorière du Labo de l’ESS le 5 juin), nous avons aussi parlé de comment faire diffuser les travaux du Labo sur des médias au-delà de l'ESS. Nous allons aussi avancer sur des questions de Responsabilité Sociétale des Organisations (RSO), toujours avec l’appui du conseil exécutif.
Un mot de la fin ?
Bastien Sibille :
Je suis attaché à trois choses ! En premier lieu, la convivialité des échanges : la pensée doit être une zone de joie, dans laquelle on a envie de se retrouver, d'échanger, de débattre. La deuxième chose concerne l'exigence de penser. Une pensée doit être travaillée, construite, sédimentée, discutée, mise à l'épreuve et nourrie par le terrain. Le Labo doit être au rendez-vous de cette qualité-là. Il l’a été jusqu'à maintenant, et donc il n'y a pas de raison que ça change ! Et la troisième chose, c'est la liberté. Il n’y a pas de pensée sans liberté de penser. Et c’est une force du Labo, qui, globalement, n'est là que pour penser ce qu'est l'économie sociale et solidaire, de ce qu'est la transition juste. On doit pouvoir le protéger. Donc : accueil et convivialité, exigence et liberté ! Madame la Présidente, j'espère que ça vous va ! (sourire)
Fatima Bellaredj :
Nous sommes complètement en phase !
Pour ma part, je souhaite évoquer le collectif. Cela fait partie des mots qui pourraient paraître galvaudés dans l'économie sociale ! Quand je parle de collectif, je pense aux instances de gouvernance, c’est-à-dire le conseil exécutif et d’orientation, et l’équipe. L’enjeu de collégialité s’appuie sur toutes les ressources de ceux qui ont envie. C’est un point très important pour moi, et que j’ai appris dans la coopération. Nous nous retrouvons beaucoup là-dessus avec Bastien, sur les notions de confiance, de convivialité, de liberté. Plus on élargira le cercle au-delà de l’équipe, le conseil d’orientation et le conseil exécutif, plus on avancera. Je crois qu’une force du Labo, c’est d’emmener les gens qui en ont envie. Que ceux et celles qui le souhaitent embarquent à nos côtés pour se nourrir, réfléchir, partager, etc. J’espère que de plus en plus de personnes le feront, car c’est un signe de bonne santé pour un collectif. Je tiens beaucoup à cette idée de collégialité. Cela prend du temps d’animer le collectif, mais c’est une ambition très partagée au sein du Labo. C'est ce qui fait notre marque de fabrique et on va continuer à le faire pour qu'il y ait un maximum de retombées !
Propos recueillis par Nathalie d’Abbadie

Fatima Bellaredj – Présidente élue au 5 juin 2025 - membre du Labo de l’ESS depuis 2018
Fatima Bellaredj s’implique depuis plus de 25 ans dans le Mouvement coopératif. Elle est à l’initiative en 2007 du premier incubateur régional Alter’Incub au sein de l’Union régionale des Scop du Languedoc-Roussillon dont elle devient la directrice en 2014, puis prend la direction générale de la CG Scop en octobre 2018. Elle copréside également la commission Egalité Femmes-Hommes au sein du Conseil Supérieur de l’ESS.
Bastien Sibille – Vice président élu le 17 juin 2025 – membre du conseil exécutif depuis 2024
Titulaire d’un doctorat en sciences politiques, enseignant et intervenant depuis 10 ans en France et au Canada, Bastien Sibille a créé et présidé la coopérative Mobicoop en 2018 puis a co-créé et présidé l’alliance des Licoornes. Initiateur de l’opération Milliard et délégué général de Coop.fr, Bastien Sibille anime également la Masterclass Autonomia, qu’il a fondée en 2020 au Canada, pour une session française hébergée au Labo de l’ESS.