Tribune
Publié le 2 décembre 2013
Flore Berlingen

Flore Berlingen

Directrice du Cniid, Co-Fondatrice de OuiShare

L’économie collaborative est-elle aussi sociale et solidaire ?

Au regard de l’ESS et de ses expérimentations menées tout au long du XXe siècle, l’économie collaborative est à la fois une notion très récente et un secteur très jeune, en tout cas dans ses formes numériques.

Le terme est employé par OuiShare depuis début 2012 et recouvre une grande variété de thématiques, de formes d’entreprises et de modèles économiques. Le point commun de ces initiatives, et le point de départ de la définition chapeau de l’économie collaborative, c’est le caractère P2P (pair à pair) des systèmes mis en place.

Ainsi la consommation collaborative rassemble des initiatives de prêt, location, don, troc, ou vente de biens et services entre particuliers, du covoiturage à l’échange de matériel entre voisins, etc. Mais de nombreuses autres facettes de l’économie collaborative se développent en amont de cette phase de consommation, toujours sur le principe de l’échange de pair à pair : financement participatif (crowdfunding) de projets de tous types, production contributive (qui est une extension à la sphère matérielle des modes de production contributifs et distribués pratiqués dans la sphère immatérielle du logiciel libre notamment) ou la production et le partage des savoirs et de la connaissance ou encore la démocratie ouverte.

Ces systèmes ont pu se développer grâce aux outils numériques : des pratiques existant depuis toujours (prêt d’objet, échange de services), à l’échelle de la famille ou l’entourage proche sont désormais étendues à un cercle beaucoup plus large. Les plateformes permettent en effet (1) de rentrer en contact avec des inconnus aux aspirations/besoins correspondant aux nôtres et (2) de garantir le niveau de confiance nécessaire à l’échange, grâce à des systèmes de réputation de plus en plus sophistiqués. C’est ce passage des interactions à une échelle inédite jusqu’alors qui rend les plateformes réellement efficientes pour le large développement de ce type d’échanges économiques.

On peut questionner le fait de rassembler sous la même bannière des acteurs comme Airbnb qui lève des centaines de millions de dollars sur un modèle capitalistique on ne peut plus classique, et des projets ouverts, contributifs à valeur et/ou propriété partagée, comme des espaces de coworking autogérés ou des projets d’architecture open-source (ex. Wikihouse). Les modèles de création et de partage de la valeur sont très différents, voire divergents, mais ces initiatives relèvent d’une dynamique commune de développement des échanges de pair à pair.

Par ailleurs l’économie collaborative, comme l’ESS, reste un ensemble d’outils, de pratiques ou de formes, dont on peut faire d’excellentes choses et de moins bonnes. Le critère du modèle économique ou de la forme juridique n’est donc définitivement plus un critère pertinent pour savoir si un projet ou une entreprise a un impact social positif ou non.

La nouvelle définition de l’ESS portée par le ministère dédié mais aussi par des mouvements d’entrepreneurs sociaux pourrait aider à clarifier les dynamiques et à relancer la créativité (en termes de modèles économiques notamment) un peu essoufflée du secteur. Plusieurs structures de l’économie collaborative ont d’ailleurs déjà obtenu l’agrément d’entreprise sociale et solidaire.

Mais Il est possible d’aller encore plus loin dans la réflexion sur les critères de définition d’une activité « sociale et solidaire ». Certains réseaux et collectifs, comme OuiShare, insistent sur des valeurs (ouverture, transparence, impact social par exemple) car ils estiment qu’elles peuvent être un vrai moteur pour le développement d’initiatives collaboratives à la fois porteuses de changement social et efficientes d’un point de vue économique.

Pour résumer, il s’agit d’associer les pratiques de l’économie collaborative avec les valeurs de partage liées à l’économie sociale et au mouvement des biens communs. En mélangeant ces différents ingrédients, on peut obtenir de petits miracles de création de richesse partagée, dont Wikipedia est un exemple emblématique mais nullement isolé : HackYourPhd dans le domaine de l’Open Knowledge, Protei dans celui de la production contributive ou encore Ushahidi (présentation du projet sur Wikipédia), un outil de crowdsourcing ouvert, sont des initiatives à découvrir et à enrichir.

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