Tribune
Publié le 8 avril 2014
Claude Alphandéry

Claude Alphandéry

Président du Labo de l'ESS

Le Pacte de Solidarité nécessite une concrétisation rapide

Les élections municipales ont révélé, le niveau très élevé des abstentions et le renforcement du Front National, de son poids politique sur les territoires.

Ces succès du F.N. ne semblent plus faire bouger une majorité de français. Le Front Républicain dressé antérieurement contre ce parti rencontre peu d’écho politique. Cette sorte de sidération, de tétanisation devant un phénomène de rejet des valeurs républicaines ne laisse pas d’inquiéter dans les milieux de la politique et des affaires, parfois par attachement à l’éthique mais surtout par crainte d’un rejet des institutions européennes et du libéralisme commercial et financier.

Le gouvernement a reconnu ce grave échec. Pourtant il ne remet pas en cause sa politique économique, sinon sur son manque d’explications et de méthode. En nommant, Manuel Valls Premier Ministre, le Président de la République a confirmé la priorité au Pacte de Responsabilité, et propose de compléter celui-ci par un « Pacte de Solidarité » dont les objectifs porteraient sur l’enseignement, la recherche, le pouvoir d’achat et la justice sociale. Ce pacte viendrait en réponse à la grande plainte exprimée dans les élections par les citoyens et à l’inquiétude de leurs élus et de leurs associations.

Nul ne saurait contester l’urgence de ces objectifs. Pourtant, s’il est prévu d’expliciter dans les prochaines semaines les principaux dispositifs du pacte de responsabilité, rien n’est jusqu’ici avancé sur les moyens apportés à la solidarité. Amputée par plusieurs années de rigueur budgétaire, affectées par 50 milliards d’économies supplémentaires, l’économie de solidarité resterait résiduelle, subordonnée à une course vers des profits surmultipliés par les mouvements spéculatifs.

Deux voies sont ouvertes pour trouver une issue à cette impasse, rompre cet enfermement du seul point de vue financier :

  • Celle d’une Europe ambitieuse couvrant les immenses besoins par de grands travaux liés aux transitions énergétiques et écologiques et aux avancées des sciences de la connaissance et du vivant ; travaux financés par l’emprunt en surmontant les tabous de la Banque Centrale Européenne.
  • Celle des territoires, des espaces de proximité où se multiplient les initiatives d’économie sociale et solidaire. Elles sont au cœur des résistances et du développement socio-économique. Des cités fragiles, des "pays" ruraux abandonnés ne sombrent pas, et se projettent dans l’avenir ; des femmes et des hommes en manque d’emploi, de logement, de soins, de considération se reconstruisent et gardent espoir grâce à la richesse d’initiatives à l’esprit d’entreprise, et à l’engagement collectif des citoyens qui les portent.

Cette économie locale, sociale et solidaire se déploie rapidement depuis les vingt dernières années : coopérative, mutualiste, associative, "collaborative", "circulaire", en circuits-courts, en "commerce équitable", en "Pôles territoriaux de coopération économique" ; elle couvre des champs très variés d’activités. Elle intéresse désormais des acteurs économiques : artisans, PME, qui pour accompagner leurs exigences de sous-traitance industrielle et de relations sociales, leur "transition" énergétique, écologique, co-construisent une part grandissante de leurs activités sous des formes locales d’organisation en réseaux.

De mieux en mieux reconnue par les autorités locales, l’ESS va l’être au plan national par le prochain vote de la loi élaborée avec ténacité et en concertation par Benoit Hamon dans ses précédentes fonctions et qui doivent être reprises par un secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie.

Il existe là un immense chantier qui ouvre de formidables perspectives d’emploi et de développement territorial mais qui risque aussi d’être sapé par des économies budgétaires ciblées vers des projets non défendus par les puissants groupes administratifs et privés. La loi sur l’ESS doit aider à le mener à bien, à en fixer le cadre, à dégager ses moyens, les obstacles à surmonter. Nous avons, pour son application à formuler auprès du nouveau ministre de l’économie et de son ou de sa secrétaire d’Etat des points précis qui doivent s’inscrire à part entière et sans décalage temporel dans le Pacte de Solidarité.

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