Tribune
Publié le 20 janvier 2016
Hugues Sibille

Hugues Sibille

Président du Labo de l'ESS

La transition écologique au cœur de la transition économique

L’heure sombre et menaçante incite moins à faire des vœux qu’à affirmer des priorités et inviter aux actes, tant la situation est préoccupante. L’Europe est dos au mur. Le chômage de masse, le sentiment d’insécurité, la montée des populismes qui en découlent, doivent inquiéter nos mémoires démocratiques et accélérer les solutions ESS afin de les faire changer d’échelle pour "re-encastrer l’économie dans la société".

Appuyons nous pour cela sur l’immense vitalité française des mouvements citoyens. Appuyons nous sur les résultats positifs de la COP21 mais qui méritent d’être transformés. Établissons des liens de transition citoyenne qui s’imposent entre économie et écologie. Je suggère en ce sens 4 priorités de travail pour le Labo en 2016.

  1. Une première priorité vise à donner suite à vos réactions positives à une interview dans Rue 89 dans laquelle j’alertais sur la confusion qui se développe entre économie collaborative et ESS. Mon propos, simple, a consisté à tirer une sonnette d’alarme : sortons des confusions et disons clairement qu’il existe une économie collaborative capitaliste et que l’ESS en défend une autre, reposant sur d’autres finalités que la plus-value du capital. Cette mise au point faite, qui semble rencontrer massivement votre assentiment, ne suffit pas. La révolution digitale est encore devant nous et modifiera en profondeur, toutes les sphères de la vie économique et sociale, telles que la santé, l’éducation, les loisirs, la culture...Peut-on laisser ce qui devrait ressortir des Biens Communs à une marchandisation plus ou moins sauvage par le Web ? Le Labo ne peut en rester à une posture de dénonciation critique. Nos travaux sur les circuits courts, (tels que la charte des circuits courts économiques et solidaires), doivent maintenant s’élargir à l’ensemble du champ de l’économie collaborative. Il nous faut œuvrer pour que l’ESS, construise des stratégies offensives de filières, attire vers elle une partie des nouveaux entrepreneurs collaboratifs, propose une offre collaborative "sociale et solidaire" digne de ce nom. Nous allons y travailler.
  2. La seconde priorité consiste à apporter notre contribution à la mère des batailles contre le populisme : la résistance au chômage. Nous ouvrons donc un chantier sur "ESS et nouvelles formes d’emploi". Il est présidé par Christiane Demontès, par ailleurs présidente du Cniae. A travers le lancement de ce chantier le Labo poursuivra trois objectifs : produire un discours sur "l’ESS et les nouvelles formes d’emploi", qui permette de répondre aux mutations du salariat, d’éviter l’instrumentalisation de l’ESS par les pouvoirs publics, de résister à l’urgence de la création d’emplois, pour réintroduire une notion de qualité d’emploi, de sens de l’emploi. Ensuite, recueillir et analyser des innovations locales créatrices d’emplois en les donnant à voir et plus encore en analysant les conditions auxquelles ces innovations pourraient changer d’échelle. Il s’agit au fond de poursuivre ainsi la logique des Cahiers d’Espérance. Enfin le troisième objectif visera à dégager des propositions, notamment pour les prochaines présidentielles, qui permettent de "booster" l’articulation entre innovation sociale et nouvelles formes d’emploi.
  3. La troisième priorité consistera à ne pas laisser retomber le soufflé de la COP21 en poursuivant et en amplifiant la promotion d’une transition énergétique citoyenne. Le risque existe que, refermées les discussions (plutôt réussies) des diplomates à Paris, on ne se préoccupe plus de la mise en œuvre. Dans les travaux du Labo de 2015, nous avons suggéré de faire passer en 2030, à 15 % la part des énergies citoyennes dans les énergies renouvelables. Il faut s’y employer. En commençant par suivre l’opération lancée, pour que 1 000 structures de l’ESS s’engagent en faveur de la transition énergétique citoyenne.
  4. Une quatrième et dernière priorité devrait viser à participer, à notre niveau et sur notre entrée ESS, à faire converger et déboucher dans l’espace politique, la multitude d’initiatives citoyennes. Les mouvements citoyens n’ont jamais été si nombreux, si actifs, si imaginatifs, sans doute à due proportion de la défiance croissante vis à vis des politiques. Résultat : l’engagement citoyen progresse mais le populisme progresse également. Problème. Les premiers bruits de fond des présidentielles nous maintiennent dans une conception politique du passé, dans laquelle les candidats formulent des programmes top down censés résoudre par miracle ce qui qui ne l’a pas été par leurs prédécesseurs. Promesses non tenues assurées et déceptions garanties à tout coup, génératrices de nouvelles poussées populistes. Il faut en sortir. Et notre première responsabilité sera de dépasser la dispersion citoyenne actuelle pour faire déboucher une intelligence citoyenne collective, indispensable à une co-construction de politiques publiques. Nous devons nous organiser pour demander aux politiques beaucoup plus comment ils vont faire "avec" nous que ce que leurs programmes feraient "pour" nous.

Nous avons donc du pain sur la planche. Nous nous y emploierons, inspirés par la devise de Senèque : "ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles".

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