Tribune
Publié le 13 mai 2014
Raphaël Souchier

Raphaël Souchier

Consultant en économies locales soutenables auprès de l’UE

Les circuits-courts, un raccourci vers l’économie nouvelle

Les circuits courts s’inscrivent au cœur d’un modèle économique émergent, qui veut dépasser les paradoxes du modèle précédent, toujours dominant mais déjà obsolète. Le XX° siècle fut façonné par une économie linéaire, née de la croyance qu’une exploitation sans limite de ressources inépuisables apporterait prospérité et bonheur à qui s’en donnerait la peine.

Un modèle économique sort de terre

Mais la décennie actuelle achève de dévoiler les limites d’un système qui a déstabilisé tant les sociétés humaines que la biosphère. Accusant le trait, la déconnexion croissante de l’économie financiarisée d’avec les besoins de l’économie réelle et l’explosion des inégalités entre riches et pauvres nous appellent à changer de regard.

Partout dans le monde, des pratiques nouvelles ou revisitant des savoir-faire délaissés montrent la voie d’une économie plus viable et désirable. Ecologie industrielle et circulaire, ESS, économie du don, troc, économie collaborative, entreprise sociale, fablabs, crowdfunding, biomimétisme, économie régénératrice… sont autant de facettes de cette espérance nouvelle : l’économie tirera demain sa légitimité de sa capacité à restaurer les équilibres vitaux de nos sociétés et ceux de l’écosystème fragile qui nous prête vie.

Quand ils reposent sur « des valeurs et une volonté de s’engager vers une société moins inégalitaire, avec une prise en compte constante de l’impact des modes de production1 » , les circuits courts incarnent cette mutation.

Pour Christian Pierret, président de la Fédération des Villes Moyennes, les circuits courts sont « le contraire d’un repli autarcique. Ils proposent la valorisation des ressources locales pour assurer la compétitivité, la cohésion sociale et la transition énergétique des territoires pour mieux rebondir dans la compétition mondiale : une nouvelle économie d’innovation technologique, économique mais aussi sociale- reposant sur les synergies et les échanges locaux, le développement territorial intégré ». Il faut, dit-il, soutenir l’innovation locale pour faciliter la mise en réseau et revoir le code des marchés publics selon des critères de mieux disant territorial, social et environnemental. Les logiques de court terme doivent céder la place à une prise en compte globale des enjeux et des impacts, sur le long terme.

Des économies enracinées

Depuis un demi-siècle, l’économie des territoires est passée au second plan des politiques publiques et des stratégies d’entreprises. Or on comprend aujourd’hui que le commerce extérieur ne peut, seul, garantir une prospérité durable. Des économies locales laissées en friche s’avèrent porteuses de richesses, d’emplois, de dynamiques sociales et culturelles.

Alors que soufflent les vents violents de la mondialisation, des millions d’entrepreneurs, de citoyens et de collectivités montrent, dans de nombreux pays, que cette nouvelle forme d’échange doit, pour réussir, s’enraciner dans des communautés humaines vivantes, et tisser des liens avec le monde. Mondialisation et localisation sont comme les deux faces d’une même médaille.

Atouts et défis

Une société éduquée et ouverte, un territoire sûr et équilibré, des institutions et infrastructures que d’autres nous envient… dans cette mutation globale, la France, au cœur de l’Europe, ne manque pas d’atouts.

Pour elle, pour nous, le défi est ailleurs : dans un patrimoine national marqué par le centralisme et une culture de la défiance. Nos entreprises, associations et collectivités doivent apprendre à se faire confiance pour, ensemble, créer des économies équitables et prospères, reflets –notons le- des valeurs de l’ESS.

Nous gagnerons enfin à donner, sans attendre, aux générations nouvelles la place et les moyens d’inventer, d’entreprendre et de célébrer une vision et un monde qui, déjà, sont les leurs.

  • 1Marie Maurage, présidente de Bio en Provence, in « Circuits de proximité à dimension sociale en agriculture biologique, recueil d’expériences innovantes », FNAB, 2011.
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