Tribune
Publié le 18 septembre 2013
Michel Briand

Michel Briand

Vice président de Brest Métropole Océane en charge de l’ESS, membre du conseil national du numérique

Quelques enjeux autour des Biens communs numériques

Depuis une dizaine d’années, le numérique nous confronte à une nouvelle réalité : l’abondance. Une double abondance en fait, celle des contenus d’abord qu’il ne coûte presque rien de dupliquer ou diffuser ; celle des contributeurs aussi où chacun sur un blog, un réseau social un wiki ou une plate forme de photo et de vidéo peut, tour à tour, consulter et mettre en ligne ses propres contenus.

Cette abondance bouleverse les modes de production basés sur une propriété privée qui enferme et assujettit.

Le logiciel libre a été la première percée de ces biens communs numériques. A côté du monde impérial des monopoles de l’édition numérique, petit à petit, des myriades de développeurs ont rendu possible l’usage de logiciels qui revendiquent quatre libertés fondamentales :

  • la liberté d’utiliser le logiciel
  • la liberté de copier le logiciel
  • la liberté d’étudier le logiciel
  • la liberté de modifier le logiciel et de redistribuer les versions modifiées

Aujourd’hui pour naviguer sur internet, voir une vidéo, envoyer un courriel, produire un document, les outils libres sont une alternative mature aux solutions propriétaires qui nous enferment dans des formats liés à la firme.

Le mouvement du logiciel libre nous a appris à produire en groupe ouvert, rassemblé sur des valeurs de partage et de coopération. Ce qui était jugé impensable il y a dix ans : produire à des dizaines de milliers de non spécialistes une encyclopédie universelle, dans toutes les langues, librement réutilisable est devenu réalité. Sur tous les sujets, wikipedia est devenu une source de référence en constante progression.

Bien sur cette écriture ouverte fâche quelques lettrés jaloux de leur prérogatives et les promoteurs du monde fermé tel Encarta. Le monde des savoirs change ! Après la révolution de l’imprimerie qui a démocratisé la lecture, le numérique fait entrer des millions de personnes dans la capacité à écrire et être lu.

Sur wiki-brest, carnets d’écriture collaborative au pays de brest des centaines de personnes ont écrit un article, des milliers de photos du pays de Brest ont été publiées sur commons, la médiathèque de wikipedia.

Les cartes ouvertes d’Open Street Map illustrent la puissance de ce monde du collaboratif qui fait le choix de partager. En quelques années les cartes d’OSM sont devenues plus complètes que celle d’IGN en Bretagne et sont la référence par défaut du portail géobretagne.

Petit à petit les biens communs numériques se diffusent dans la société : les publications en archives ouvertes viennent d’atteindre 50 % des publications scientifiques tous domaines confondus. Dans l’éducation le collectif Sesamath animé par 5 salariés et des centaines de bénévoles proposent des livres de math libres utilisés par 20% des collégiens et une plate forme numérique utilisée par un million d’élèves !

Quand on sait que tous ces projets fonctionnent, avec un désintérêt de l’état qui n’y apporte quasiment aucune aide, cela donne à réfléchir sur la puissance et l’efficience de ce monde des pratiques collaboratives et du partage qui naît sous nos yeux.

Oui c’est bien d’une transition de société dont il s’agit ! Nous avions appris à cacher notre copie, à être en compétition, il nous faut apprendre à donner à voir, réutiliser, mutualiser et nous enrichir tous ensemble de ces biens numériques mis en communs.

Cela demande un changement de culture qui n’est pas évident parce que l’école, la société, les collectivités, les associations ne pratiquent pas, à de rares exceptions, cette culture de la coopération et du partage.

Ce changement nous concerne tous : est ce que ce texte est sous copyright et donc interdit de réutilisation comme le sont à 99% les sites des collectivités locales ? Est ce que cette étude, maintenant qu’elle est financée est réutilisable ? Est ce que ce cours est mis en ligne pour faciliter l’accès aux savoirs par tous ?

C’est pour accompagner ce changement de culture vers la coopération et le partage que nous avons initié en 2009 la semaine d’initiatives « Brest en biens communs » qui devient en 2013 le festival « Villes en biens communs » avec la participation d’une douzaine de collectifs.

La question de l’abondance qui a permis cet essor des biens communs numériques concerne aussi l’innovation sociale. Si vous regardez autour de vous, vous verrez ces centaines d’innovations sociales impliquant des milliers de personnes qui aspirent à une société plus solidaire, plus responsable où chacun a sa place pour agir.

C’est cette démarche de créativité ouverte en réseau que nous avons voulu développer à travers Brest Creative en publiant une première soixantaine d’innovations sociales.

Avec Bretagne Creative Nous transposons à ce mouvement de l’innovation sociale ouverte les méthodologies de la coopération et du partage apprises avec les projets numériques au pays de Brest. Ici aussi donner à voir en publiant, être en attention pour valoriser ceux et celles qui font, relier, outiller en formant à l’animation de projets collaboratifs, en publiant les recettes libres de nos innovations, crée une dynamique porteuse de territoires en transition.

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