Tribune
Publié le 3 mai 2021
Hugues Sibille, copyright : Kathleen Rengnet

Hugues Sibille

Président du Labo de l'ESS

Une ESS porteuse d’engagements, de résistances et d’espérances

Le monde craque sous les chocs sanitaire, économique, climatique et démocratique. La France hésite entre langueur et colère, se fragmente en archipels, doute de son vivre ensemble. Une époque disparait où nous vivions, sans masque, insouciants du dérèglement climatique, regroupés autour des valeurs de la république. Que faire ?

Le rôle d’un think tank de l’ESS est d’esquisser avec modestie mais détermination des solutions pour le monde de demain, s’inspirant des pratiques vertueuses de l’ESS conjuguant autrement utilité sociale et écologique et modèle économique. Il en existe beaucoup. Notre premier devoir moral, comme acteurs de l’ESS, est de nous tenir au plus près de la société civile, de ses souffrances et de ses solutions. Les femmes et les hommes de l’ESS, même lorsqu’ils ignorent ce sigle, sont porteurs d’engagements, de résistances, d’espérances dont le monde à (re)construire aura besoin. De ce point de vue la grande famille de l’ESS doit exprimer sa solidarité au monde associatif, ses membres particulièrement touchés par la crise (secteur culturel), ceux en première ligne de santé (secteur médico-social) et ceux qui affrontent les exclusions et les inégalités, comme ATD Quart monde qui vient injustement d’être sortie du CESE.

Faire face donc, mais aussi inventer et donner à espérer. Pour cela les territoires restent la mère des batailles. L’ESS y progresse sans cesse. Elle innove et se fait reconnaître par les collectivités. Le Labo de l’ESS y plonge ses racines pour alimenter ses réflexions et ses propositions. Nous sommes mobilisés sur la relance des Pôles Territoriaux de Coopération Économique (renouvellement de leur charte), auxquels nous croyons en raison de leurs innovations coopératives ; sur la promotion des SCIC, forme entrepreneuriale de grand avenir. Nous avons lancé un travail prometteur avec de grandes villes sur la low-tech. Nous serons actifs, avant et après les élections régionales, en recueillant des paroles de jeunes, engagés dans l’ESS, ou en organisant des Journées Régionales de la Transition. Nous nous tiendrons à la disposition des futurs exécutifs régionaux pour travailler avec eux à ce que l’ESS pollinise le reste de l’économie pour créer des emplois utiles, relocaliser des activités, réduire les inégalités...

Pour autant, nous ne saurions en rester à sauter sur des chaises comme des cabris en criant « les territoires, les territoires ». La crise sanitaire rappelle avec force deux nécessités parfois oubliées. Nous avons besoin d’un État réactif, agile, et surtout porteur de solidarité nationale. Impossible d’affronter la Covid seulement territoire par territoire. Quelle serait la situation, sans chômage partiel, sans prêts garantis par l’État, sans fonds de solidarité ? Que ceux qui depuis des années prêchent le moins d’État et la croisade contre l’impôt méditent les enseignements de la Covid. Nous avons donc aussi besoin d’une politique publique nationale favorable à l’ESS. L’épisode de Danone souligne qu’économie à impact et ESS ne sont pas synonymes, même si elles ont des choses à faire ensemble. C’est pourquoi nous voulons participer pleinement à l’initiative d’ESS France en faveur d’une république de l’ESS. L’ESS doit disposer d’un récit propre et exister es qualité dans les grandes politiques nationales de relance ou de transition (Contrats de Relance et de Transition Écologique par exemple).

Mais la Covid montre également que les problèmes d’aujourd’hui (accès aux vaccins, mobilité des personnes) ne s’arrêtent pas plus aux frontières que les nuages radioactifs. Cela vaut pour l’ESS : notre avenir est européen. L’ESS doit absolument occuper une place plus importante dans les politiques européennes encore trop obnubilées par la concurrence. Le Labo participera, à son niveau, à la conférence de Mannheim, à la préparation du plan ESS du Commissaire Schmit, à la présidence française de l’Union. Il y défendra le principe d’entreprises à lucrativité limitée. Mais nous devons aussi amplifier les liens de coopération directe entre les acteurs européens de l’ESS eux-mêmes. Nous soutenons à ce sujet le projet d’un grand rassemblement des entrepreneurs et acteurs européens de l’ESS à Strasbourg, en 2022.

Plus que jamais, pour inventer le monde de demain, il s’agit d’articuler trois échelles de réalisation et d’influence : territoire ET nation ET Europe. Le « ET », cher à Edgar Morin, plutôt que le « OU ». Une gymnastique parfois difficile pour les cerveaux un peu rigides ! Mais pourtant indispensable. Pour ce qui concerne le Labo nous nous efforçons d’articuler territoires, nation et Europe afin qu’avec l’ESS la promesse de jours meilleurs devienne réalité.

Hugues Sibille,

Président du Labo de l’ESS

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