Tribune
Publié le 6 novembre 2013
Corinne Lepage

Corinne Lepage

Députée Européen, Présidente de CAP21 et du Rassemblement Citoyen

L’Économie circulaire, c’est maintenant !

Qu’est-ce que l’économie circulaire ? Ce n’est pas une lubie d’écolo échevelé mais bien une vision efficace et de long terme de l’économie. Il s’agit de réutiliser le plus grand nombre de fois possibles, la même molécule pour fabriquer des produits différents. Cette perspective s’inscrit dans la logique de l’écologie industrielle, lancée et théorisée dans les années 90 par Suren Eckman consistant à installer sur un même site des entreprises complémentaires.

Le site de Kalundborg, installé au Danemark à la fin des années 80 a longtemps servi de référence. Elle s’inscrit également dans la nouvelle logique d’utilisation des déchets destinés à être considérés comme un gisement de ressources non seulement pour fabriquer de l’énergie grâce à la méthanisation et à l’utilisation du Biogaz par exemple, mais surtout – et c’est plus novateur – comme une richesse en termes de métaux et produits récupérables. Ainsi, et à titre d’exemple, 1 t de broyats de matériel informatique électronique contient 350 g d’or alors qu’une tonne de minerai aurifère n’en contient que 50 g. La rareté pour ne pas dire la fin annoncée de production de matières premières impose de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement. Ce n’est donc pas un luxe mais bien une nécessité absolue à laquelle la technologie s’est attaquée.

Mais, il ne s’agit pas d’en rester à quelques exemples, toute l’industrie conventionnelle et la nouvelle économie sont concernées par l’économie circulaire. La hausse des prix des matières premières et de l’énergie va pousser les entreprises à assurer leur approvisionnement au meilleur coût possible. L’éco conception, qui consiste à concevoir dès l’origine ses produits en fonction de la récupération qui pourra être faite des composants et déchets pour en créer de nouveaux, doit être généralisée.

L’économie circulaire est porteuse d’une véritable révolution économique. Elle s’inscrit tout d’abord dans la logique de la troisième révolution industrielle, qui repose sur une décentralisation énergétique, un mariage entre les techniques de la communication et une nouvelle politique énergétique fondée sur l’efficacité, la sobriété et les énergies renouvelables. Elle est donc évidemment liée à l’idée de proximité et de circuits courts (écologie industrielle, AMAP, artisanat, services). Dans cette logique, la complémentarité entre les acteurs et leurs besoins conduit nécessairement à l’innovation et à une économie qui réutilise la ressource locale. Elle touche donc directement à la philosophie de l’économie sociale et solidaire dont les acteurs ont été novateurs en promouvant rapidement le réemploi à des fins solidaires.

L’économie circulaire conduit à repenser toute l’activité de production et d’utilisation autour de ce que Jérémy Rifkin a théorisé voici plus de 10 ans sous le concept de « l’âge de l’accès ». Elle implique une réflexion autour de l’usage sur la plus longue durée possible d’un produit.

Cette révolution économique qui se profile remet évidemment en cause les multinationales dont la profitabilité est fondée sur l’obsolescence programmée et la gestion traditionnelle des déchets, en particulier pour la France l’incinération. Leur résistance au changement se traduit par une comptabilité qui ne prend pas en compte les externalités négatives ; une fiscalité insuffisamment verte et en retard dans sa transition ; une gestion des déchets qui vont directement à l’encontre du développement de l’économie circulaire. Aujourd’hui, la France subventionne encore largement les activités polluantes (autour de 15 milliards d’euros) et défavorise les produits inscrits dans l’économie circulaire qui sont, compte tenu des systèmes de subventions, plus chers que les autres. Il conviendrait donc de réfléchir, comme le fait la Fondation 2019, à une TVA circulaire qui varierait en fonction des externalités positives et négatives des produits.

Mais la difficulté ne s’arrête pas là. Si les déchets ne sont pas considérés comme une richesse nationale par notre pays, il n’en va pas de même pour la Chine qui les achète déjà à prix d’or. Il est donc impératif d’appliquer le principe premier du droit communautaire en matière de déchets et par voie de conséquence de rendre dissuasive leur vente.

L’économie circulaire est une formidable chance pour relancer l’activité industrielle et économique de notre pays et faire revivre nos territoires. Espérons que cette chance ne sera pas, comme quelques autres, gâchée.

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