Tribune
Publié le 22 octobre 2014
Philippe Frémeaux

Philippe Frémeaux

Editorialiste à Alternatives Economiques, Président de l’Institut Veblen

L’ESS et la transition écologique, deux soeurs amies !

L’économie sociale et solidaire obéit à une rationalité et suit des objectifs qui la rend compatible avec la société post-croissance qu’il nous faut construire aujourd’hui.

Le découplage observé ces dernières années entre l’évolution du PIB et le niveau de satisfaction des besoins individuels et collectifs nous impose de réfléchir non seulement aux conditions d’une relance de l’activité mais au contenu à donner à celle-ci, indépendamment même des contraintes écologiques présentes et à venir.

Sur ce plan, nous pouvons prendre appui sur l’économie sociale et solidaire. Si l’enjeu est de transformer notre modèle économique, afin qu’il réponde aux besoins humains de manière soutenable, en donnant la priorité aux personnes et à l’emploi, en donnant toute sa place aux territoires, en développant des formes de gouvernance associant les parties prenantes, en innovant socialement dans la façon de satisfaire les besoins sociaux, il faut bien convenir que ce projet est d’ores et déjà porté par l’économie sociale et solidaire, ou, pour être plus lucide, par sa composante la plus dynamique, celle qui porte de multiples initiatives qui concourent à réparer les dégâts du modèle actuel tout en engageant sa transformation.

Structures d’insertion par l’activité économique, activités de tri et de recyclage, organisations de finance solidaire, AMAP et agriculture biologique, circuits courts et Pôles territoriaux de coopération économique, associations et entreprises sociales assurant des modes de prise en charge innovants dans les domaines de la petite enfance, du handicap, des personnes âgées, etc. Toutes ces initiatives sont autant de points d’appui pour sortir par le haut de la quadruple crise économique, sociale, écologique et démocratique que nous traversons.

A bien y réfléchir, l’économie sociale et solidaire est compatible avec la transition écologique pour différentes raisons. A commencer par le fait que ses organisations n’ont pas pour finalité l’accumulation du capital mais la satisfaction des besoins définis par leurs membres. Une des raisons des difficultés de l’économie sociale et solidaire à changer d’échelle, outre sa dépendance à l’égard des financements publics, tient à cette différence fondamentale qui l’oppose au grand capitalisme. Là où celui-ci poursuit une quête sans fin de profit et voit dans une croissance elle-même sans fin le moyen de la satisfaire, l’économie sociale et solidaire cultive une forme de « sobriété entrepreneuriale volontaire », qui la conduit souvent à se contenter d’assurer la pérennité de ses organisations dès lors qu’elles répondent aux missions pour lesquelles elles ont été créées. La quête du pouvoir pour le pouvoir est parfois présente au sein de l’ESS, mais elle demeure l’exception plus que la règle…

Une autre raison rend l’économie sociale et solidaire écolo-compatible. Elle tient à la nature des biens et services qu’elle produit. A la différence d’un capitalisme qui produit trop souvent des biens qui n’ont d’autre valeur que de permettre aux plus aisés d’affirmer leur différence sociale, l’économie sociale et solidaire produit des biens et services à forte utilité sociale, et dont la valeur n’est pas diminuée quand tout le monde en bénéficie voire s’en trouve accrue : santé, culture, éducation… 

L’ESS contribue à assurer l’accès de tous aux biens communs. Cette dynamique qui consiste à produire plus de liens que de biens, et sur un mode plus égalitaire, préfigure la société post-croissance qu’il nous faut construire. Car la condition d’une transition écologique acceptée et réussie est qu’elle se traduise aussi par des gains de bien-être pour chacun comme pour tous. L’ESS ne peut évidemment pas suffire à relever tous les défis auxquels nous sommes confrontés mais elle peut y contribuer.

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