Tribune
Publié le 10 janvier 2017
Hugues Sibille

Hugues Sibille

Président du Labo de l'ESS

Vœux 2017

Changement d’année, passage de 16 à 17 : et si pour savoir où nous voulons aller nous commencions par regarder en arrière, en cette période de centenaire de la grande guerre ?

Les tranchées de 1916 envoient 240 000 jeunes français à la mort, 20 000 morts par mois, celles de 17 en enverront 155 000 ! L’Europe est à feu et à sang. Un siècle après, nous avons plus qu’un devoir de mémoire, de "plus jamais ça" : nous avons un devoir d’avenir européen. Nous devons être à l’offensive si nous voulons que l’Europe sorte par le haut et évite les pièges mortels du XXe siècle.

On ne pourra faire en 2017 comme si le Brexit n’avait pas existé en 2016, comme si les populismes ne progressaient pas dangereusement partout sur le vieux continent. L’Europe est menacée de "démocratures". Les peuples d’Europe, ceux qui sont du mauvais côté de la fracture sociale et territoriale, n’ont plus confiance dans des institutions européennes opaques et plus largement dans des dirigeants économiques et financiers qui les ont menés à la catastrophe de 2008 et qu’ils soupçonnent de les emmener vers de nouveaux cataclysmes.

Pour apporter des réponses concrètes, il est besoin d’un nouveau modèle de développement européen, plus équitablement réparti, plus durable, plus démocratique. D’une économie de marché mieux régulée. La conséquence logique induit un besoin de beaucoup plus d’Economie sociale et solidaire européenne. L’ESS, plus solidaire et plus démocratique, détient une partie des réponses aux traumatismes et doutes européens. Entre des États Providence (en partie) vidés de leur pouvoir et de leur capacité redistributive et des économies dominées par le court-termisme de la finance et du capital, existe une troisième voie pour l’Europe. Celle d’une économie régulée par la société civile européenne elle-même, par une citoyenneté économique européenne active. Oui, j’affirme que c’est possible. La jeunesse Europenne le pressent et le souhaite. Mieux, elle s’y engage : yESS, we can !

Mais, problèmes. Les dirigeants européens actuels ne lèvent pas le nez du guidon de leur ancien logiciel et ne croient pas à l’ESS. Depuis le départ de Michel Barnier, rien. Ou presque rien. Elle ne figure pas dans le plan d’action Juncker pour 2017. A Bratislava le 1er décembre, le Groupe d’experts Européen GECES a remis à la Commission un rapport sur ce qu’il faudrait faire pour développer l’ESS en Europe. Si l’on ne veut pas qu’il reste lettre morte, il faut porter un plaidoyer et construire un rapport de forces des acteurs de l’ESS européenne beaucoup plus puissant que ça n’est le cas aujourd’hui. L’ESS reste un nain politique européen.

La bataille des idées que le Labo mène en France pour faire reconnaître cette "économie autrement" qui entreprend et innove sur nos territoires, il faut la mener aussi au niveau européen. Nous prendrons donc des initiatives pour repérer et réseauter les Think Tanks européens engagés sur le terrain de l’ESS. Nous inviterons la Ville de Paris, qui veut être capitale internationale de l’ESS à soutenir ces initiatives.

Parlant ainsi de l’Europe, je n’oublie pas que 2017 est pour la France une année politique cruciale. Mais il semble déterminant de remettre l’élection présidentielle française dans la vision d’un modèle européen de développement. La réponse à Le Pen, à Bepe Grillo, à toutes les tentations populistes passe par une autre Europe si l’on veut éviter des Brexit en dominos et un retour à la carte de 1914. La question de la place de l’ESS proposée par les candidats à la présidentielle française sera donc déterminante pour nous. Et pour que l’interrogation politique soit forte, symbolique et sans échappatoire, nous ne poserons qu’une seule question aux candidats : "Nommerez-vous un ministre de l’ESS de plein exercice, rattaché à Bercy et disposant des moyens appropriés ?"

Au Labo de l’ESS, nous ne croyons guère aux "vœux" qui se réaliseraient par magie. Nous croyons à la volonté et à l’action. Nous serons volontaires et agissant selon nos convictions en 2017. Si nous défendons d’abord et avant tout une démarche bottom up issue des expérimentations réussies dans les territoires, nous savons bien qu’il ne saurait être question de replis frileux sur les clochers. Nous promouvrons en 2017 une ESS territoriale, française et européenne en articulant les idées et les projets de notre texte d’orientation "2017… et après ? Nous avons un REVE" à ces trois échelles.

Et parce que nous sommes de plus en plus convaincus que la transition dans laquelle nous sommes engagés sans en connaître l’issue, aura, pour réussir, besoin d’un fort projet culturel, nous commencerons à nous intéresser en 2017 à la relation entre mondes culturels et mondes de l’ESS.

Si vous aimez penser et agir indissolublement, sur les nouvelles formes d’emplois, sur la transition énergétique citoyenne, sur les circuits courts, sur les PTCE, sur la culture en bien commun... tout ce qui préfigure demain, venez partager avec nous en 2017 cette maxime de Sénèque : "Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. C’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles !"

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